Cours n°6

L’enseignement du Bouddha Originel

La pensée en tant que « entendue »

 

 

Le Daishonin enseigne : « Les cinq caractères de Myoho Renge Kyo ne sont pas les phrases du sutra, ils n’en sont pas le sens, ils en sont uniquement le cœur ». Quand Nichiren parle des phrases du sutra cela représente en premier lieu le sens de « Kyo », c’est-à-dire la parole du Bouddha. Il s’agit dès lors, globalement, des cinquante années d’enseignement du vénéré Shakya. Mais, plus précisément, cela ne concerne que le sutra du Lotus, puisque le Lotus est le but ultime de Shakyamuni, sa raison d’être en ce monde. Or, les cinq caractères de Myoho Renge Kyo, qui sont le titre du Lotus, ne sont en fait ni les phrases, ni le sens mais le cœur. Autrement dit, Nichiren remet en cause, nie tant les phrases que le sens.

La raison en est que Shakyamuni, durant cinquante ans, n’a parlé en fait que de son éveil. Pour autant, après avoir mûri les êtres pendant quarante deux années, il ne révèle enfin la vérité que dans le Lotus. Dès lors, selon Nichiren, Myoho Renge Kyo est le cœur du Bouddha, c’est-à-dire l’origine de tous les mots qu’il a prononcé et l’origine de tous les sens qu’il a développé. Ce n’est donc pas seulement le Myoho Renge kyo qui traduit le titre du Lotus du sanskrit en japonais, c’est le Myoho Renge kyo en tant qu’état intérieur du Bouddha. Or, nul n’a pu, ni ne peut, en lisant et en étudiant le Lotus, s’éveiller au Myoho Renge kyo qui est le cœur du Bouddha. Les mots et les sens du texte ne peuvent en fait conduire à ce dont ils proviennent. Nichiren seul, par sa « lecture physique » du texte, a pu s’y éveiller.

Le Souverain de la Loi indique : « La lettre désigne les paroles formalisées par écrit. Ce sont les pensées concernant la volonté, les sentiments, les vérités inhérentes aux êtres humains, transcrites par des mots en second lieu ». Nous avons donc en premier lieu les sentiments des êtres, c’est-à-dire la cupidité, l’orgueil, la souffrance, l’ignorance et autres. Ces sentiments se traduisent ensuite par des paroles, et enfin celles-ci deviennent l’écrit. Aristote a écrit : « Le bruit de la voix montre ce qui est subi dans l’âme. Et l’écrit est un montrer des sons de la voix ». Mais quand Aristote dit, un peu hâtivement et sans y avoir beaucoup réfléchi, que « la voix montre ce qui est subi dans l’âme », il met le doigt sur une grande vérité : le sentiment de la personne, à chaque instant, qui va devenir des mots, est subi. « je ressens ceci », « je pense cela », est une transcription de l’état intérieur momentané qui, lui, est subi.

« Des mots, nous en rencontrons une grande diversité. Il y a des paroles qui ont de la valeur, d’autres qui n’en ont pas. Certaines sont de bas niveaux, d’autres d’un niveau élevé. Si l’on applique cette analyse aux dix mondes qu’enseigne le bouddhisme, les mots sont alors innombrables comme la voix de la grande souffrance des enfers, la voix de la faim et de la soif des esprits affamés, les hurlements des animaux, la voix agressive de la colère, la voix de la morale des humains, ou encore de leur attachement aux cinq désirs, la voix joyeuse des cieux, la voix de l’éveil à la vacuité des auditeurs et des éveillés par les facteurs, la voix des trois sciences - préceptes, concentration, sagesse - de la pratique personnelle et de l’enseignement à autrui des bodhisattva et des Bouddha » enseigne le Souverain de la Loi. Toutes ces voix, de l’enfer à l’éveil, pullulent sans début ni fin dans le monde des phénomènes. Et toutes ces voix sont des états traduits par des hurlements, des cris, des propos moraux, des désirs. Le socle du mot, c’est toujours l’état.

Jean-François : Le mot n’appartient qu’à l’état humain. Les animaux n’ont pas la parole.

Ce sont là des propos étroits de psy-quelque chose. Tout communique avec ce qui lui ressemble et donne un sens à ce qui lui est étranger. Comment croire que deux colombes qui roucoulent ne communiquent pas ? Comment croire qu’une interaction chimique ne soit pas une communication entre deux substances ? Toute structure provisoire est forme et pensée.

« Les paroles sont ainsi présentes à l’infini et les phrases à l’aide desquelles sont orthographiées ces paroles existent également à l’infini » dit le Souverain de la Loi. Ensuite, une phrase possède un sens, une idée. Le mot, la phrase, le sens va nous orienter vers quelque chose que l’on va essayer de saisir. Par exemple, si l’on croise un flot bruyant de japonais on ne cherchera pas à donner un sens à leurs propos. On distinguera globalement si le groupe est admiratif ou en colère et cela nous suffira. Leurs mots n’auront pour nous aucun sens. Autre exemple, assis à une terrasse de café vous entendez un cri et un choc sourd et violent. Vous décryptez probablement qu’un incident a du se produire mais, pour autant, le sens que vous donnez immédiatement au bruit n’a rien à voir avec la souffrance de cette vieille dame qui gît au sol, désarticulée. Il n’y a pas de possibilité pour que le sens, que vous le tiriez ou non du son, vous amène à partager la réalité désignée. Donc, s’il est vrai que l’état est la base des sons émis par les êtres, ces sons ne permettent à personne de partager l’état dont ils proviennent. Autrement dit, ni le mot ni le sens ne permettent de partager l’état.

Brigitte : Que l’on comprenne la langue ou pas.

Exactement. Même si ton mec, au téléphone, te parles une heure de son flip, tu ne peux partager son état. Tu ne peux qu’en avoir une idée, en référence avec ce que tu as toi-même vécu.

Edwige : Pourtant, moi qui ai une relation fusionnelle avec ma fille, je sais que je la comprends parfaitement.

C’est du pipeau. C’est de l’imaginaire.

Le Souverain de la Loi dit ensuite, en substance, que quelqu’un qui médis et accuse une personne de vol ou de meurtre prononcera des mots, que ces mots auront un sens, mais que l’intention sous-jacente, l’état de l’accusateur, ne sera pas pour autant visible. Ainsi, quelqu’un dans l’état d’avidité et de souffrance pourra très bien passer inaperçu derrière ses mots doucereux. Dans l’optique du bouddhisme le Souverain de la Loi déclare dans ce sens : « Il existe en ce monde les phrases, leur sens et leur fond, relevant du bien ou du mal de tout ce qui y vit ». Le « fond », dans ce contexte, désigne l’état. Ensuite, que nous dit Aristote ? :  «De même que l’écriture n’est pas la même chez tous les êtres, les sons de la voix ne sont pas tous les mêmes. Cependant, les sons et les écritures sont un montrer de ce qui est identiquement subi en l’âme ». Aristote soutient donc qu’il y a une identité de ce qui est subi en l’âme par les humains, à savoir  la colère, la peur, la souffrance, etc.. mais que ces sentiments se traduisent par des mots différents selon les langues, et que le sens, alors, échappe. Par exemple, un « barbare », pour un grec, était quelqu’un qui ne parlait pas la langue grecque.

Nancy :Ah oui ! Un barbare !

Oui. Car son discours est inintelligible. Ces gens font du bruit, on sent un désir d’exprimer quelque chose, mais rien n’en sort de concret. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de sens.

Voici donc l’idée générale. Or, quand Nichiren déclare : «  « Les cinq caractères de Myoho Renge Kyo ne sont pas les phrases du sutra, ils n’en sont pas le sens, ils en sont uniquement le cœur » il signifie par là que Myoho Renge Kyo est l’état d’éveil. Qu’on le comprenne ou pas, c’est l’état d’éveil. Et on ne peut y accéder par le sens.

Brigitte : Comme pour les autres états.

C’est vrai. On ne peut partager aucun état, quelque soit la formule dans laquelle il est livré à l’observateur. Mais dans l’enseignement du Bouddha, on va le voir, nous pouvons partager son état en le nommant.

Si l’on évoque le contenu de la sagesse sans égal du Bouddha, le Daishonin déclare : « C’est de réaliser l’effet des dix ainsi de l’aspect réel comme étant la substance fondamentale de la Loi ». Autrement dit, c’est s’éveiller au fait que le corps et l’esprit sont des effets, et que telle est la substance de la Loi merveilleuse. Tout ce qui apparaît est un effet. La pensée est un effet. Nul n’en est l’auteur. Aristote disait : « Ce qui est subi dans l’âme », et tel est ce qui se passe. Tant la matière que l’esprit, qui ne sont pas deux puisqu’ils sont un état, apparaissent en terme d’effet. Ils se traduisent par des mots, qui développent des sens, mais qui ne permettent aucun partage. Nous lisons dans les « sutra de la sagesse » : « Le monde des êtres est une expression pour l’absence d’êtres, parce que le monde des êtres n’existe pas. Il n’existe pas d’être vivant dans l’être vivant ». Autrement dit, comme tout apparaît en terme d’effet, tant pour le corps que pour la pensée, nul n’a en lui le principe de son existence. Il n’en est pas le possesseur. Cela arrive, cela se produit. Le vénéré Shakya disait : « Des événements se produisent dans le monde, mais il n’y a pas d’acteur ». Il n’y a pas de principe actif selon lequel un individu vivrait selon son vouloir être. « Il n’existe pas d’être vivant dans l’être vivant ». Tout s’impose continûment.

Essayons maintenant de voir ce qu’il en est dans la sagesse de la Grèce antique. En est-il qui partagent le point de vue du Bouddha ? En est-il qui ont poussé plus loin qu’Aristote qui déclare, d’une manière irréfléchie : « ce qui est subi dans l’âme » ?

Le grand Parménide d’Elée écrit, cinq siècles avant notre ère : « De la manière dont à chaque fois la nécessité tient le mélange des membres aux courbes nombreuses, ainsi la pensée se présente aux êtres. Car c’est un même ce dont s’avise la nature des membres pour tous les hommes et pour tout, car ce qui prédomine est pensée ». Il déclare donc que la nécessité, qui architecture à chaque instant le corps, est ce qui va devenir le « pensé ». « Pour tous et pour tout » dit-il de surcroît. Il voit donc que la pensée est ce qui sourde de l’organisation provisoire et globale du corps. Un ours aura des pensées qui caractérisent son architecture globale, et non celle de la biche ou de la femme enceinte.

Michèle : C’est incroyable. A son époque !

Mais on peut voir, de tout temps, que l’humain ne peut pas secréter de pensées identiques à celles du lézard, et inversement. Encore une fois, la pensée n’est pas un acte mais l’effet instantané de l’interaction corps/environnement, qui constitue une architecture provisoire globale. Parménide déclare encore, à propos de l’harmonie du mélange des membres : « La proportion du mélange, c’est cela qui constitue la pensée ». La pensée est donc un effet provenant du corps, ou encore la traduction en image d’un fait sensible immédiatement passé. Il écrit, de plus, mais là je force un peu les limites usuelles de la frilosité philologique : « Un même est à la fois être pensé et être ». Ce qui signifie que être, c’est être pensé. A chaque instant la pensée s’impose donc en tant qu’effet.

Nancy : Je pense donc je suis.

Ah oui ! Lui il est complètement abruti. Le vénéré Shakya disait en substance : « Mon disciple abandonne l’idée fausse et la présomption : je suis. Ainsi se détache t-il de la souffrance dans la vie présente »

Brigitte : Je suis pensé, donc je suis fait !

Exactement ! Dans l’enseignement du Bouddha Originel il y a la non dualité de l’être et de l’environnement. Le corps et l’environnement sont donc Un, et ils apparaissent en terme d’effets simultanés à chaque instant. Le seul présent est donc l’interaction momentanée corps/environnement. Et l’objet de la conscience qui découle de cette interaction est le passé immédiat de l’aspect réel. Le « je pense » ne peut donc être acteur.

Nancy : Formulé comme cela ça me paraît clair, mais n’est-ce pas en opposition avec la pensée de tout un chacun.

Brigitte : On est pas là pour rester seulement humain.

L’objet de la conscience « froid », « chaud », « j’aime », « j’aime pas », « je » est toujours le retard, le passé du vrai, le passé immédiat de notre réalité. Entre « j » et « e » on a le temps de mourir dix fois.

Que va t-on encore trouver chez les gens qui réfléchissent ? Héraclite pensait que tout arrive selon la fatalité, qui est identique à la nécessité. Sur cette base il dit : « L’esprit de l’homme n’a pas de pensées, mais celui de la fatalité en a ». Le grand Nietzsche, plus près de nous, a déclaré : « Sentir, vouloir, penser, ne témoignent partout que de phénomènes terminaux dont les causes me sont tout à fait inconnues ». C’est parfaitement clair. Il dit encore : « La pensée surgit en moi. D’où provient-elle ? A travers quoi ? Je l’ignore. Elle se présente, indépendamment de ma volonté. Qui accomplit tout cela ? Je n’en sais rien et suis certainement plus le spectateur que l’initiateur d’un tel processus ». De la part du penseur le plus éminent de l’occident, ça fait quand même rêver.

 « Ce qui a été vécu survit « dans la mémoire » ; qu’il « fasse retour », je n’y peux rien, la volonté n’y intervient pas, pas plus que dans la venue d’aucune pensée… Qui l’appelle ? l’éveille ? ».Qui appelle la pensée ? Nietzsche voit qu’elle s’impose a son insu, qu’il n’y est pour rien. Dans la même veine il affirme : « Lorsqu’on pense, ce n’est pas à la pensée que l’on pense. L’origine d’une pensée reste cachée ; il est très vraisemblable que cette pensée ne soit que le symptôme d’une situation beaucoup plus vaste et complexe… Tout ceci est, sous formes de signes, l’expression de quelque aspect de notre état général ». La grande probité intellectuelle de Nietzsche lui permet, plus de deux mille ans après Parménide, de redécouvrir une vérité qui avait été masquée par le flot du verbiage des immatures. Mais je vous laisse le soin de noter qu’après Nietzsche, tout le monde a fermé sa gueule, personne n’a poursuivi son cheminement, même Heidegger que nous allons pourtant évoquer. Pour la beauté des mots et du sens, nous allons encore citer Nietzsche : « Le corps humain, dans lequel revit et s’incarne le passé le plus lointain et le plus proche, à travers lequel, au-delà duquel et par-dessus lequel semble couler un immense fleuve inaudible : le corps est une pensée plus surprenante que « l’âme » de jadis ».

Nancy : C’est fou ça !

Nietzsche voit donc le corps comme traversé par un fleuve inaudible. N’est-ce pas là une approche sensible de la non dualité de l’être et de l’environnement ? La pensée, dans l’esprit de Nietzsche, n’est-elle pas la traduction, une audition de quelque chose de physique qui s’impose, assourdissant et inaudible ?

Un mot de Merleau-Ponty dans le sens de notre analyse : « Ce n’est pas moi qui me fait penser, pas plus que ce n’est moi qui fait battre mon cœur ».

Passons maintenant à Heidegger qui, bien entendu, a lu dans la langue aussi bien Parménide que Schopenhauer et Nietzsche. La pensée, Heidegger la concevra comme une écoute : « Désigner la pensée comme écoute dépayse ; cela ne satisfait pas non plus à l’intelligibilité » nous dit-il à juste titre. Et encore : « La parole est toujours déjà en avance sur nous. Nous ne faisons jamais que parler à sa suite ».

Nancy : Fallait le faire.

Il dit également : « La parole doit nécessairement, à sa façon, nous adresser elle-même la parole ». C’est donc que nous entendons parler en nous. Nous lisons aussi : « Parler est, depuis soi-même, écouter… Ainsi donc parler ce n’est pas en même temps écouter ; parler est avant tout écouter… La parole parle elle-même ». Tout cela est, ma foi, très juste. Nous entendons la parole. Ce qui entraîne la chose suivante : le langage n’a pas a objectiver la pensé puisque la pensée est une parole entendue. Ou, plus précisément, ce n’est pas que l’humain écoute quelque chose qui apparaît en lui, c’est plutôt qu’il est ce qui est entendu, comme le soutient Parménide. Il n’y a pas de « Je » décisionnaire, antérieur et postérieur, c’est un entendu momentané, quelque part.

Nancy : Même quand il ne parle pas.

« Il » entend tout le temps.

Brigitte : Mais alors il n’y a pas de choix, des mots, du débit, du rythme..

On traduit selon sa sensibilité, mais ça monte. C’est un état. C’est un entendu. Ce qu’il faut noter également, c’est que l’entendu intérieur est assourdissant. Par exemple, je parle et vous semblez m’écouter. Mais en réalité il n’en est rien. Aucun de vous ne peut écouter entièrement une seule de mes phrases. Sur une phrase qui s’étire sur vingt secondes vous aurez intégré des dizaines d’objets mentaux qui vous sont propres et qui se sont imposés. « Chaud », « froid », « pipi ». Nietzsche l’avait bien vu. Vous aurez écouté en tout une douzaine de secondes, et recomposé ma phrase. Il faut donc en conclure que ce qui monte ainsi en soi-même est pré-verbal et s’étend à tout ce qui possède un corps, c’est-à-dire à tout ce qui est. Cela se situe avant la traduction dans une langue convenue. Par exemple, Roberte, toi qui est bilingue, imaginons que tu ressentes quelque chose et que tu souhaites le dire à quelqu’un. Ce quelque chose, tu peux l’exprimer à peu près identiquement dans un langue ou une autre, tu devras alors le traduire. Il est donc antérieur au langage. Qu’on appèle ce pré-verbal en nous : image ou mot, c’est la Une pensée momentanée.

Jean-Claude : C’est le lieu de l’apparition du « je ».

Ben oui ! Par exemple, enrhumé tu téléphones à une copine. Tu ne lui dis pas : Allô, c’est rhume à l’appareil. Tu te verras comme « je » avec un rhume en plus. Tu ne diras pas : « hier j’étais migraine, aujourd’hui je suis rhume, j’espère que demain je serais à nouveau moi-même ». Vous entendez un son. Bien que l’entendu du son vous soit propre, vous ne vous identifiez pas à ce son. Il y a un « je » qui entend un son, et dont il se distingue. Mais quand un flot gluant de pensées malsaines vous assaille, vous pensez être décisionnaires. En réalité, il n’y a guère de différences entre un rhume, un son et une séquence d’objets mentaux. Il n’y a pas plus de « je » ici que là. Cela se produit. Il n’y a pas d’actes. Les choses qui montent en nous et s’imposent sous forme de pensées ne sont en aucun cas l’acte d’un sujet. Pas plus qu’entendre un son ou choper un rhume. C’est aussi extérieur qu’un rhume peut sembler l’être. Quand quelqu’un passe des heures à flipper, il est envahi par des mots. Ces mots montent tout seul. Ces mots sont un état. S’il concevait cela comme un rhume, il ne souffrirait pas. Il n’aurait qu’une gène relative et passagère. Mais comme nous sommes hantés par l’image d’un « je » bien réel , on souffre parfaitement en vain de toutes sortes de choses futiles. « Je suis ce que je pense », « c’est moi qui pense ceci », « j’ai ma liberté de penser ». Ou encore « je suis je », comme disait l’autre abruti de théologien prétentieux !

Rires.

D’où l’intérêt de pratiquer la voie, puisque c’est le lieu de l’abandon du « moi ». Ne pas s’identifier à ce qui apparaît en son esprit, soulever cette chape qui est à la fois le passé et le futur de nous-mêmes, telle est la pratique. Je ne suis pas ce qui apparaît en mon esprit. Rejeter ces flux de pensées nous permet alors de laisser apparaître de bien plus belles choses, qui sont également un « nous-mêmes », mais plus libre. Et ne me dites pas qu’il faut quand même penser à faire des courses ou à aller pisser, même les écrevisses y parviennent. Cela ne devrait nous poser aucun problème, même si l’on pratique !

« La parole parle elle-même » disait Heidegger. Cela signifie que la parole parle à « l’intérieur » de nous, et c’est ce qui fait qu’on s’y identifie bien plus qu’à un cancer généralisé, qui lui sera perçu comme « extérieur ». Or, nous devrions la rejeter de la même manière qu’on fait tout pour se débarrasser d’un cancer.

Brigitte : Ah oui ! On devrait rejeter la pensée comme on rejette une maladie.

D’autant que nous avons en général bien peu de souffrances physiques. Comme le disait un ami : « A part ce que je pense, tout va bien ». S’identifier à ce qui parle tout seul en nous, alors que nous n’en sommes pas l’auteur, est une erreur mortelle.

Nancy : Je vois mieux ce que tu veux dire.

Encore une fois, notre corps et notre esprit existent en fonction des causes et des conditions, et ils montrent l’aspect des effets et des rétributions. Cela signifie qu’il n’y a jamais de cause en ce monde. « Il est impossible que les phénomènes puissent être des causes » hurle Nietzsche. C’est vrai. Tout phénomène est un effet. La pensée inclue, contrairement à ce que voulait croire Kant. Le terme même de cause ne devrait pas exister dans le monde humain. C’est une tromperie que d’appeler « cause » ce qui est un effet. Qui plus est, cela laisse tous les êtres dans l’incompréhension totale de leur réalité. Plus encore qu’une tromperie, c’est donc un drame.

Après avoir consulté quelques penseurs occidentaux, qu’en est-il maintenant du Bouddha Originel ? Dans son « Traité sur l’accès à l’éveil des végétaux » nous lisons : « La révélation principielle de l’originel régit les êtres sensitifs tout en étant la mort ». Je traduis. Si l’on traite en théorie de l’originel, cet originel régit les êtres sensitifs tout en étant la mort. C’est-à-dire que les êtres sensibles sont régis par un principe qui relève du non-existant, qui . n’appartient pas au monde manifeste. Le Souverain de la Loi commente ainsi : « Cela signifie que toutes sortes d’éléments apparaissent à partir du principe latent, qui est au niveau de la mort du monde des phénomènes. Leur manière d’être, par contre, régit l’esprit, les êtres sensitifs qui vivent concrètement ». Dès lors, c’est bien l’irruption continue de ces éléments, qui proviennent de la vacuité, qui constitue ce qui régit l’esprit des êtres sensibles et vivants. A chaque instant, donc, naissent et meurent une foule d’éléments qui, de par leur manière d’être, régissent l’esprit des humains en tant que leur « entendu ». « L’entendu » est donc ce qui régit l’humain. On peut également dire, comme le souligne Heidegger : « Entendre est inséparable de vibrer ». « Voir », « entendre », « vibrer » sont dans ce cas synonymes. « L’entendu », c’est-à-dire la transcription de ces éléments qui naissent et meurent dans le même instant, provient lui d’un fond global qui ne relève pas du phénoménal, mais dont le phénoménal provient. Il s’agit de la vacuité. Autrement dit, que l’on soit humain, kangourou ou militaire de carrière, la vie sensible est continûment agitée par des irruptions d’entendu telles que, apparaissant en un esprit, celui-ci s’estime décisionnaire et auteur de ce qui naît en lui. « J’ai chaud », « je pense ceci » et autres pouvant toujours se justifier par un « c’est à cause de », ou par un « je sais pas ce qui m’a pris », ainsi se fonde le sentiment d’un moi autonome. Il va de soi que cela s’applique à tout ce qui possède un corps, sans exception. Nous pouvons êtres aidés, dans cette compréhension délicate, par l’apport de Nietzsche : « Penser, à l’état primitif, est un processus où des formes, se composant, s’imposent, comme dans le cristal ». N’est-ce pas beau ?

Au fait de cette perception merveilleuse le Bouddha Originel écrit : « Seul est appelé merveilleux cela d’inconcevable qui est le cœur de notre Une pensée. Inconcevable signifie que ni l’esprit ni les mots ne peuvent l’atteindre ». La merveille : Myo, est ce d’où provient à chaque instant l’infinité phénoménale et, nécessairement aussi, cette foule d’éléments qui constitue l’entendu façonnant l’esprit humain. Le Bouddha appellera ce principe la merveille. L’humain égaré, quant à lui, ne comprenant rien à sa vie ni à celle des autres appellera ce même principe : l’obscurité. De sa naissance à sa mort il aura voulu des choses, il aura essayé d’être heureux, il aura fait des efforts et, enfin, finira dans l’ignorance la plus noire.

Sylvaine : C’est comme si on puisait dans un grand panier.

Ca jaillit plutôt d’une manière irrépressible.

Sylvaine : Oui, mais c’est comme s’il y avait un immense truc…

Oui. Le Daishonin vient de dire : « C’est appelé merveilleux … ni l’esprit ni les mots ne peuvent l’atteindre ». Comme l’esprit est façonné par ce qui jaillit et s’impose, comme cela le constitue, il n’est vraiment pas dans la situation d’observer ce dont il naît. Les mots, qui eux sont plus tardifs, ne le peuvent non plus. Quand à ce fond d’où naissent tous les phénomènes, et où ils retournent dans le même instant, c’est le Corps de la Loi. A mon avis il nous faut, au vu du fait que tout est instantané, que tout phénomène naît et meurt soixante-quatre fois dans l’espace d’un claquement de doigts disait le vénéré Shakya, considérer l’infinité phénoménale comme étant un corps unique. Un corps où il n’y a pas de distinction à opérer entre ceci et cela. Le Souverain de la Loi disait : « Où que vous alliez vous êtes dans le Corps de la Loi ».

Michèle : Ah oui, c’est la non-dualité être/environnement.

Bien sûr. Mais nous, humains, nous nous voyons distincts du reste, nous voyons la lune, les étoiles, les autres, la multiplicité. Souvenons nous de Parménide : « L’étant est rempli d’étant… L’étant touche à l’étant…Il est tout entier dans l’instant présent, un, continu ». Dans l’instantanéité l’étant touche à l’étant, puisque c’est un corps unique s’étendant à tout. Le Souverain de la Loi enseigne, à propos de ce principe contenant les dix mondes et les trois mille domaines de la réalité : « Le corps de la loi est permanent, immuable, il s’agit du corps de la vérité universelle inconcevable… La substance inconcevable du principe… qui donne naissance à toutes ces choses et où elles retournent, est le corps du Bouddha nommé corps de la Loi ». Issus de ce principe, toutes les choses, tous les phénomènes naissent et disparaissent dans l’instant mais, dans leur apparaître, ils prennent place, pour nous humains, dans une relation causale « visuellement » linéaire. Et tout cela, évidemment, en fonction de la causalité intrinsèque à chaque étant. Rien n’apparaît sans cause. Dès lors, l’ensemble des phénomènes, y compris l’humain et son esprit, sont le lieu évolutif où des choses naissent et disparaissent à chaque instant.

Sylvaine : C’est ce qui fait que ce qui apparaît pour moi n’est pas ce qui apparaît pour un autre.

Oui. Hors ce corps unique, on ne verra jamais que des personnalités distinctes et uniques. Il s’agit de la permanence de la personnalité.

Sylvaine : Mais comment elle se crée…

La « création » n’existe pas. Il n’est pas de non-être, affirme Parménide. C’est. Il y a. Mais nous, là, avec notre petite tête, on ne peut avancer plus. On ne peut que constater l’existant et ses singularités. Mais enfin : « Le phénomène est ce que l’on perçoit des choses invisibles » disait fort justement Anaxagore. Alors.. ! Par exemple, toi, dans une prairie, tu diras : « Oh ! De l’herbe ». Tu verras une prairie. Tu ne diras pas : « Il y a deux cent trente sept millions et demi de brins singuliers ». Mais Bergson disait : « Il y a autant de différences entre deux brins d’herbe qu’entre un Rembrandt et un Velázquez ». Un esprit inculte, par contre, pourra probablement affirmer leur similitude. Il s’agit donc toujours d’un degré de finesse dans la perception qui fait qu’on peut ressentir ou non les distinctions. Mais, quoi qu’il en soit, il y a une infinité de choses particularisées, et elles ne peuvent pas êtres identiques à elle-mêmes en deux points du « temps ».

Pour en revenir au cours, donc, personne ne pense par lui-même. Penser n’est pas un acte, c’est quelque chose qui survient. Nous sommes pensés. Pourtant, nous pratiquons la voie du Bouddha et, là, une différence va s’opérer du fait même de rencontrer l’enseignement du Bouddha. Le Souverain de la Loi expose en effet qu’il y a trois types de joies : « La première joie est de suivre un homme remarquable et merveilleux : le Bouddha. La deuxième est la joie d’entendre la Loi merveilleuse ». Et je vous rappelle qu’on quitte les six premières voies pour entrer dans l’état de « Shomon », qui signifie entendre la Loi, dès que l’on croise l’enseignement du Bouddha. Au début de ce cours nous disions que la pensée c’est « l’entendu », « La parole parle elle-même » disait Heidegger, et bien ce qui fait quitter les six voies c’est également l’entendu, mais l’entendu de l’éveil, de l’état de Bouddha.

Michèle : C’est le « Ainsi ai-je entendu ».

Yes. On y vient. La troisième joie est également un entendu, par rapport à la deuxième, mais un entendu qui monte de l’intérieur, de son propre état. Ce n’est plus un entendu qui vient de l’extérieur, par un cours ou par la lecture, mais un entendu en terme de joie ou d’exultation personnelle. C’est un entendu qui se démarque nettement de tous nos entendus antérieurs, de tous nos entendus dans les six voies.

Roberte : En terme de résonance.

Oui, comme le disait Heidegger : « Entendre est inséparable de vibrer ». « L’entendu » est un terme générique incluant toute sorte de perceptions.

Michèle : C’est un éveil partiel.

Cela doit y ressembler.

Nancy : C’est le septième, non, le huitième état.

Une fois qu’on a entendu la Loi, la route est toute tracée. Les septième, huitième, neuvième et dixième état apparaissent. Nous devenons alors la voie. Sinon, effectivement il s’agit du huitième état : l’éveil par les facteurs. Mais il y a le fait d’entendre la Loi, et celui de la voir se révéler en nous, par nous-mêmes, grâce à une situation ou une autre.

Le Souverain de la Loi poursuit, concernant la troisième joie : « Lorsque, face au Gohonzon, vous récitez le Daimoku, diverses pensées vous envahissent. Mais que ces pensées apparaissent n’est pas un mal en soi. Au début ce ne sont que des pensées fantasques, mais progressivement d’autres pensées surgissent. On finit par saisir des choses extraordinaires que l’on aurait jamais saisies si l’on ne pratiquait pas. Cette compréhension merveilleuse finit immanquablement par apparaître. ». Il affirme donc que l’on finit par saisir des choses extraordinaires que l’on ne saisissait pas antérieurement. Il s’agit donc d’entendre. Saisir, c’est appréhender. Nietzsche écrit que : « appréhender, c’est tenir pour vrai ». Et, de fait, pour tout le monde, « j’entends ceci », « je vois cela », est un tenir pour vrai ce qui est appréhendé. Et bien lors de la pratique de la voie, au fur et à mesure, surgissent au sein de notre esprit des choses qui ne nous appartiennent pas, qui n’étaient jamais apparues, et dont la qualité intrinsèque est de la joie.

Brigitte : Tout à l’heure tu disais que la pensée s’impose et n’appartient jamais, en réalité, à l’humain. Est-ce la même chose ?

Oui. Les états des six premières voies s’imposent en tant que forme/pensée momentanée. C’est le cycle infini des six voies. Mais, pratiquant, c’est la qualité de l’éveil qui surgit. On perçoit alors des choses merveilleuses qui n’avaient jamais habité notre esprit. Des fulgurances se produisent et, à ce moment, la « forme » est là, alors même que le verbe ne peut la nommer. Des formes montent physiquement, on les « sent », on les « voit », on les « entend », mais la verbalisation va mettre un certain temps avant de pouvoir cerner, sculpter la chose. Le fait de pratiquer fait donc surgir des objets inouïs auparavant, est telle est l’avancée dans la voie. C’est ce qu’on appelle l’état « d’éveil par les facteurs ». Ces facteurs qui, jusque là, constituaient la matière de nos six voies, de l’enfer à la joie temporaire, deviennent le lieu du jaillissement de l’éveil. Cela doit nécessairement se produire chez toutes les personnes qui pratiquent cette doctrine. La raison en est que Nam Myoho Renge Kyo est l’apparition de l’éveil en tant qu’effet. Pour ce qui me concerne, j’ai eu quelques expériences de ces jaillissements et, effectivement, des objets surviennent sans que l’on y ait pensé avant. Ils s’imposent et, de ces objets, des pensées sourdent, s’ouvrent, se déploient. Mais l’apparition de ce type d’objet « entendu » ne découle que de la pratique du sutra du Lotus matin et soir. Cela correspond à la phrase du Lotus : « Des arbres rares sont couverts de fleurs et de fruits ». Faire fi de ces pensées étroites qui caractérisent en général son moi, rejeter cette identification abusive et délétère permet, lors de la pratique, de laisser apparaître des éléments inconnus de notre nature profonde. En fait, nous découvrons alors avec surprise que l’éveil ne nous est pas plus étranger que la bêtise ou l’avidité.

Dans sa grande bienveillance le Bouddha Originel écrit : « Vous laïcs, pratiquez nuit et jour ». Dès lors, grâce au fait que, pratiquant, l’entendu est Myoho Renge Kyo, ce n’est plus l’entendu des six premières voies mais celui de l’éveil. Nous entendons la qualité et le comportement de l’être le plus sublime tout en étant dans les six voies. Zhiyi disait : « La récitation de la lettre du texte est la respiration du corps de la Loi ». Ce qui est parfaitement fondé. Pratiquant, nous ouvrons notre réalité sur un domaine, inconnu de nous, mais qui a toujours été nôtre. Ceci est la fertilité, c’est ressentir la joie de la Loi en son corps.

Brigitte : On est jamais acteur de l’entendu, dans les six voies.

Même lorsqu’on pratique, ça monte.

Brigitte : Il n’y a que dans l’éveil que l’on est acteur.

Certes. Parce que même dans le cas d’un éveil partiel cela s’impose, cela ne répond pas à un effort de « volonté » dans un sens. Il n’y a pas, avant le surgissement, le désir d’éclairer tel ou tel point obscur. Mais ce surgissement est une grande joie physique qui, par la suite, éclaire la pensée dans de nombreuses directions jusqu’alors ignorées. En outre, le temps ne peut l’effacer.

Brigitte : Tu veux dire qu’après on ne peut en douter, en pratiquant ?

Non. Au contraire, cela nous dirige et s’étaie de jours en jours.

Il est dit que la Merveille de la Cause originelle c’est la foi. Mais la foi n’est pas un acte, c’est plutôt une propension. De la même manière, si votre mari vous largue, que vous êtes désespérée et que vous vous dites : « quel mauvais karma j’ai », en réalité nul n’est acteur dans cette situation. C’est la propension de chacun qui s’exprime en terme de bonheur ou de malheur. Il n’y a pas un acte, planté il y a quatre mille sept cents ans, vous avez piqué le mec de Néfertiti par exemple, qui apparaît d’un coup sous forme d’effet.

Rires

Mesdames. Mesdames. Quand nous disons que la foi est une propension, il faut considérer que notre propre existence est une propension qui intègre des milliards de données, de causes/conditions, dont nous ignorons absolument tout. Chacun fait donc, à chaque instant, jaillir une somme corps/environnement totalement infinie, et bien malin celui qui peut dire d’où vient cet effet-ci ou celui-là. En outre, il n’y a pas d’origine à cela. La foi est donc une propension qui ré-oriente une propension.

Brigitte : Il n’y a donc que dans l’éveil que l’on peut parler de cause.

Le grand maître Zhiyi déclare : Lorsque la sagesse fusionne avec l’objet, la cause et l’effet naissent ». Avant l’éveil nous ne voyons que des effets, « Humains, nous ne pouvons voir que la conditionnalité » affirme le Souverain de la Loi, soulignant par là-même que la vacuité des êtres et des choses n’est guère un objet de notre champ perceptif.

Brigitte : C’est pour cela qu’on ne pratique pas pour atteindre l’éveil.

Pratiquer pour, c’est l’horreur. Pratiquer, est. Myoho Renge Kyo est le Bouddha Originel. Le comportement du Bouddha n’est pas en vue de. Il est le comportement du Bouddha.

Michèle : C’est pour cela que, dans notre école, il est fait état de la simultanéité de le cause et de l’effet.

C’est la Loi merveilleuse. Mais nous, nous ne voyons que les effets. Tout est la simultanéité de la cause et de l’effet. Tous les phénomènes sont donc la Loi merveilleuse. « Myoho Renge Kyo n’est ni les mots, ni le sens, c’est le cœur ». Réciter Myoho Renge Kyo, grâce à la croyance, est l’éveil en tant qu’effet. On a donc pas à le chercher, c’est.

Sylvaine : Une fois tu avais dit que l’on pouvait pratiquer pour d’autres personnes, non, ou tu as changé d’avis ?

Oh ! Ne considère pas que ce que tu gardes en ta mémoire est ce que j’ai dis. Vous ne gardez que ce que vous voulez entendre et ce, en faisant des coupes sombres. Cela étant, quand nous pratiquons, nous entraînons naturellement une infinité d’êtres. Mais cela n’est pas facilement visible. Dès lors, qu’il y ait une « volonté » orientée sur une personne ou sur une autre n’est que l’imaginaire du sujet. Mais si, en particulier, le cas de quelqu’un vous préoccupe lourdement au point de ne penser qu’à lui, et bien éveillez vous et faites lui, dans le même instant, partager votre état de vie.

Sylvaine : Mais si je pratique vraiment fort pour une personne ?

Alors tu risques de chercher les résultats de ton action, de ne pas les voir, et d’être inutilement troublée dans ta croyance. Lors de l’hospitalisation de mon grand-père, qui m’étais très proche, j’étais tellement affecté que mon esprit étais continûment envahi par son image. J’ai alors pratiqué une huitaine d’heures, le jour de sa mort, car je ne pouvais rien faire d’autre. Et, à un moment, alors que j’étais à deux cent kilomètres de lui, j’ai très brutalement partagé sa mort dans le même instant que lui. La joie m’inondait. Jamais, par la suite, je ne me suis posé une seule question sur son état. Je savais que cela allait. Le temps et l’espace ne nous séparent en rien de ce qui nous est propre. Pratiquer pour, ce n’est pas être avec. Or, il s’agit bien d’être avec et d’entraîner. La raison en est que ce n’est pas deux. Du reste, ce n’est que pour l’humain que percevoir et agir sont distincts. En réalité, percevoir est agir. Si on ne perçoit pas, les actes semblent ne pas avoir de résultats.

Brigitte : C’est ça. Plutôt qu’avoir l’esprit baladé dans tous les sens tu pratiques, tu t’éveilles, et tu entraînes tous les tiens.

Quand Parménide affirme que l’étant touche à l’étant, c’est vrai.

Brigitte : Pratiquer pour, c’est mettre inutilement une distance.

Absolument. Plus profondément encore, le Souverain de la Loi dit que : « Pratiquer pour guérir d’une maladie, par exemple, fait quitter la voie correcte ». Il faut garder ce point dans l’esprit en permanence. Comprenez bien que ce n’est pas l’expression de sa méchanceté naturelle. C’est pour nous diriger vers l’éveil.

Tout à l’heure Michèle évoquait le « Ainsi ai-je entendu ». Cette phrase fut prononcée par tous les disciples réunis lors d’un concile chargé de retranscrire par écrit les propos de Shakyamuni, après son extinction. Chaque disciple ayant assisté à un enseignement oral du Bouddha avait donc entendu les mots, les avait gardé en lui, les avait fait éclore et lorsqu’il prenait la parole en disant « Ainsi ai-je entendu », à telle époque, à tel endroit, il restituait non pas ce qu’il pensait de l’enseignement, mais uniquement les propos de l’éveillé. Il est dit que : « Ainsi est l’achèvement de la foi ». Le disciple, ayant gardé en lui continuellement la Loi, le «Ainsi » en est donc l’achèvement. « Le Ainsi désigne la substance de la Loi qui a été écoutée ». Egalement : « Ainsi possède le sens de croire et suivre ». Croire signifie garder en soi, et suivre c’est s’y éveiller en suivant les mots, en les entendant. Il est aussi expliqué : « Si il croit, le disciple se conforme au principe de ce qu’il entend ». Autrement dit, grâce à l’entendu, l’esprit du disciple prend la forme de l’entendu. Dans cet achèvement de l’écoute, le « je » de « Ainsi ai-je entendu » signifie profondément « soi-même ». Mais il s’agit d’un soi-même profond, car le « je » ordinaire des six voies a été modifié par l’entendu. Ce « je » a été augmenté, amélioré, mis en forme par la qualité de l’entendu. Zhiyi déclare à ce propos : « Je, est le seigneur des oreilles ». Ce « je » est donc le maître de la capacité perceptive de la personne, c’est-à-dire ce qui est immédiatement antérieur et préside à l’évolution de cette capacité. On passe ainsi d’un « je » étriqué, qui est celui du disciple, à un « je » ouvert, dans son champ de perception, par l’entendu des propos du Bouddha. C’est donc un « je » magnifique qui devient le moi profond de la personne. Zhiyi dira du reste : « Ce moi possède un cœur profond ». Et le Souverain de la Loi indique : « L’écoute est la base de toutes les sagesses ». Il s’agit bien sûr, à son plus haut point, de l’écoute de l’enseignement du Bouddha. Il enseigne encore : « L’entendu commande le beau et le laid de la vie des êtres au cours des trois phases du temps », et ceci est d’une grande importance.

Au début du cours nous disions que « la parole parle elle-même », que les êtres sont animés par des éléments qui montent et s’imposent en leur esprit, alors même qu’ils s’estiment libres, et que l’on voit ainsi apparaître l’avidité, la stupidité, l’orgueil. Et bien, de la même manière, dès que l’on entend l’enseignement du Bouddha l’entendu devient, en nous, la qualité même de l’éveillé. Si l’on enseigne que le septième état, « Shomon », c’est-à-dire garder l’écoute en direction de l’enseignement du Bouddha, est sortir des six voies, c’est parce que la richesse de l’entendu fait changer d’état. La rupture entre les six premières voies et la voie « sainte » de l’éveil se produit donc par l’écoute, par l’entendu. Parallèlement à ce point, toutes les souffrances et les joies de ce qui vit n’est naturellement que la redite de l’entendu. Dans tous les cas, si la pensée de quelqu’un est dirigée par la bêtise, l’orgueil, l’animalité, ce n’est en fin de compte que l’entendu de sa propre vie. Le Souverain de la Loi enseigne en substance que ceux qui entendent des choses mauvaises des voies inférieures, s’en imprègnent et les mettent en pratique, vivent une existence terrible. Tous les êtres n’ont donc pour pensée que l’entendu. En ce qui nous concerne, c’est également par l’entendu, mais celui de l’enseignement du Bouddha, que nous pouvons quitter ce cycle sans origine. Et il y aura d’un côté l’entendu de l’enseignement, de l’autre l’entendu de notre propre éveil partiel, les deux se fondant en une seule chose : l’avancée sur la voie. Comme le disait Nietzsche, nous ne sommes pas l’auteur de nos pensées, elles apparaissent.

Nancy : Et après on verbalise.

Et à force d’entendre en soi l’enseignement, les actes du passé ne sont plus les seuls moteurs de notre futur. Le Souverain de la Loi déclare : « Si vous écoutez d’une manière distraite l’enseignement du Bouddha, les mots s’effaceront ». Le retour des propos du Bouddha en soi, par la remémoration, permet de contrecarrer l’apparition de nos propensions les plus poisseuses et, finalement, de nous en servir comme matière de nos éveils.

Brigitte : Dans les six voies c’est l’attachement qui fait que ces souffrances reviennent.

Oui, c’est la vue du moi. Imaginez un corbeau qui passe. Il ne peut que pousser un cri de corbeau, il ne peut que reproduire ce qu’il entend en lui. Ce qui s’impose en lui comme le : « je sens que ». Le cri du corbeau, qui n’est pas celui de la girafe, n’est toujours que ce qui vient du corps. Dans une foule bruyante de manchots, les parents reconnaissent immédiatement la voix de leur progéniture car tout se singularise par son corps, par l’entendu qui en monte, et par la voix qui l’exprime. Ce n’est que l’entendu du corps. C’est la raison pour laquelle tout le monde est certain que ce qui monte en lui, et se traduit par une pensée, est vrai. Vu que c’est « lui » !

Brigitte : On a pas le choix.

C’est vrai. Mais de là à pondre des bouquins prétentieux de philosophie, faut pas exagérer !Tout entend en lui quelque chose et l’exprime. Il s’agit des six premières voies, en général. Mais rien n’est décisionnaire. Cela n’existe pas. Ce n’est qu’une vue de l’esprit. Le Daishonin enseigne : « Ce qu’il convient de réciter sans cesse, en suivant véritablement la pratique parfaite, est Nam Myoho Renge Kyo. Ce qu’on doit garder dans notre cœur est la contemplation de la Loi d’Une pensée trois mille. Telle est la pratique et la compréhension du sage ». Concernant « la pratique et la compréhension du sage », il va de soi que pour le Bouddha, ses actes sont sa sagesse. De la même manière, pour les humains, comme pour ce qui ne l’est pas, leurs actes sont toujours ce qui leur semble être le mieux adapté, il s’agit donc aussi de « sagesse ». Tout, en effet, agit en reposant sur une sagesse relative d’adaptation. Donc pour l’humain, relativement à la doctrine, il s’agira de croire et de comprendre, alors que pour le Bouddha sa pratique est sa compréhension. Dans les deux cas il y a donc compréhension, c’est-à-dire possibilité de manifester l’éveil, mais ce n’est que la croyance en la pratique du Bouddha, Nam Myoho Renge Kyo, qui permet cette réalisation. Ces la raison pour laquelle l’injonction : « Veuillez croire et comprendre » est si fréquente dans notre école. Le fait de croire va nous permettre d’épouser les actes du Bouddha et, ce faisant, de comprendre. Ou, autrement dit, agissant comme le Bouddha, sa sagesse s’installe naturellement en nous.

Nous, perdus dans les souffrances des six voies avons donc cette possibilité, par le seul fait de croire, d’agir comme l’éveillé alors même que rien, en nous, n’autorise un tel comportement élevé. Croire est, pour nous, la cause de l’éveil. Le Bouddha, quant à lui, n’a pas besoin de croire, il voit. C’est en épousant ses actes que nous pouvons obtenir la sagesse dont ces actes proviennent. Pour cette raison nous pratiquons matin et soir. La pratique est l’apparition du Bouddha, il n’est donc pas de pratique pour.

Le Daishonin poursuit : « Il faut faire que les laïcs s’adonnent uniquement à la récitation de Nam Myoho Renge Kyo ». Tout est dans l’entendu, c’est la qualité même de l’existence. Il dit également, et ceci est propre à notre doctrine : « Le nom possède la vertu d’aboutir immanquablement à la substance ». Nam Myoho Renge Kyo est le Bouddha Originel. Dans le monde humain les mots, les sens, ne sont jamais le référent, l’objet, l’état. Les mots transcrivent bien les états, mais ni les mots ni le sens ne permettent à quiconque de partager l’état d’autrui. Fussent l’enfer ou l’avidité, ce n’est pas possible, il y a étanchéité. Cela n’existe que dans le monde du Bouddha. Le nom est son état. Telle est son incommensurable bienveillance. Le Daishonin enseigne : « Il n’est pas de production dans le fait de réciter à haute voix Nam Myoho Renge Kyo ». La pratique ne s’effectue donc pas en vue de…quelque chose, pour produire ou accumuler quelque chose. Ce serait de l’irrespect vis-à-vis de la grandeur de la doctrine. La pratique est l’accès immédiat à l’éveil, en tant qu’effet.

« Il convient d’utiliser la prononciation, telle quelle, des sept caractères de Nam Myoho Renge Kyo. Car ces sept caractères sont la substance originelle de la Loi du Bouddha ». Et, dans une réponse à un couple de croyants le Daishonin écrit : « L’esprit de Nichiren n’est autre que Nam Myoho Renge Kyo ». Il s’agit donc bien de son état d’éveil.

Si l’on évoque l’essentiel, à savoir la grande Loi qu’a attesté le saint avant le début du passé hors le temps : « Lorsque cette Loi merveilleuse est présente dans le cœur du Bouddha, celui-ci atteint un état de vie immense et absolu, ineffable, inexplicable aisément par les mots. Cependant, lorsque le Bouddha, de par son immense compassion, désire sauver les êtres de leurs souffrances grâce à son éveil, il se force à expliquer par des mots le contenu de l’essence de son éveil. Mais même s’il explique par des mots, fondamentalement, il explique uniquement le nom de son ainsité véritable et absolue. Ce nom est Myoho Renge Kyo ». Lorsque le Bouddha, par compassion, donne son état, cela devient Myoho Renge Kyo. On se sépare, alors, de tout ce qui a été enseigné dans les sutra antérieurs, où le Bouddha parlait sur la base de son état en exprimant sa sagesse, mais où les mots n’étaient pas son état, étaient inférieurs à son état. Et lorsque le Daishonin nous enjoint de réciter, comme lui-même, Nam Myoho Renge Kyo, il nous donne son propre état.

« Lorsque l’éveil est gardé dans le cœur du Bouddha Originel, c’est Myoho Renge », autrement dit la Loi unique, inconcevable, de la simultanéité de la cause et de l’effet. Par contre, « Lorsqu’il est présenté sous la forme du Honzon de la Personne et de la Loi, où sont présentes les trois grandes Lois ésotériques, fondement de l’enseignement aux êtres et qui contient parfaitement trois mille phénomènes et leur pratique révélée à partir de la substance de l’ouverture immédiate de l’éveil à l’origine du passé hors du temps, c’est Myoho Renge Kyo ». Le Daishonin précise : « C’est grâce au mot Kyo, que notre pratique est possible. Car il permet à l’état d’éveil du sage, à sa sagesse et à l’objet de cette sagesse, dont la nature essentielle est difficile à imaginer, de devenir, tels quels, l’objet de notre cognition par la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et l’esprit. Grâce au mot Kyo, Myohorenge apparaît dans toute sa splendeur devant nos yeux ». La grande bienveillance du Bouddha Originel réside donc en cela qu’il nous laisse son éveil sous une double forme objectale : Nam Myoho Renge Kyo et l’objet fondamental de vénération pour l’observation du cœur. La Loi merveilleuse de la simultanéité de la cause et de l’effet nous apparaît alors dans toute sa splendeur. Notre pratique devient ainsi possible. Myoho Renge Kyo rend sensible, palpable, visible, présent, l’état de vie ineffable du Bouddha Originel.

Le Daishonin enseigne : « Les idéogrammes du Lotus expriment, sous une forme visible et tangible, la voix du Bouddha, forme elle-même invisible et intangible ». C’est par la parole que le Bouddha guide les êtres. Soit, la sienne de son vivant, soit, après son extinction, lorsque nous récitons la lettre du texte. Lorsque nous récitons le texte, la voix du Bouddha redevient ce qui nous entraîne dans l’éveil. « Aussi, la voix du Bouddha, éteinte jusque là, réapparaît sous forme d’idéogrammes et fait obtenir des bienfaits aux êtres » dit-il encore.. Le Bouddha a parlé, c’est Kyo, et les êtres ont gardé et restitué l’enseignement qui a été alors écrit. Les mots sont donc ce qui reste de la voix du Bouddha, et les prononcer fait revivre sa voix. « Le cœur est la loi de l’esprit, la voix celle de la forme. L’esprit se manifeste lui-même par la forme. On peut aussi connaître le cœur (de l’autre) en écoutant le son de sa voix. En effet, la loi de la forme manifeste la loi de l’esprit. L’esprit et la forme, non distincts par essence, se manifestent sous deux aspects distincts. Le cœur du Bouddha apparaît, devenu les idéogrammes du Lotus de la Loi. Les idéogrammes, transformés, deviennent le cœur du Bouddha. Aussi, ceux qui lisent le sutra du Lotus ne doivent pas considérer qu’ils ont sous les yeux uniquement des idéogrammes. En effet, ces idéogrammes sont eux-mêmes le cœur du Bouddha », dit le Daishonin. Cela signifie que l’esprit, présidant à l’agencement des mots, les charge de sa propre qualité.

Concernant ce fait, Zhiyi enseigna : « Lorsque, après en avoir reçu la demande, l’Eveillé prêcha, il exposa le cœur de l’enseignement. Le cœur de l’enseignement est le cœur de l’Eveillé. Le cœur de l’Eveillé est la sagesse de l’Eveillé ». Autrement dit, « Bien que possédant un aspect physique, les idéogrammes ne relèvent non pas de la loi de la forme, mais de la loi du cœur » enseigne le Daishonin. Les mots peuvent êtres agencés par la stupidité, par l’animalité, par l’orgueil ou tout autre état. Le Bouddha va donc également utiliser les consonnes et les voyelles, comme il utilise toute matière, en général, pour faire apparaître son cœur. En conséquence, le Bouddha apparaît lorsque nous lisons le Lotus.

A la question : « Quel est l’objet de vénération pour l’introspection du cœur dans l’époque actuelle » ? Nichiren répond : « Dans le Lotus, au chapitre du Roi médecin il est dit : Roi médecin, partout il faut soit exposer, soit lire, soit transcrire, soit, dans les lieux où sont déposés les rouleaux du Lotus, il faut élever un stupa à sept trésors et le parer avec une infinie majesté. Il ne faut pas y déposer les reliques de Bouddha. Parce qu’à l’intérieur, il y a déjà le corps intact de l’Ainsi Venant ». C’est très clair. Le corps intact de l’Ainsi Venant est les caractères du Lotus. Pour cette raison le Daishonin, concernant les stances « Jiga » du Lotus, prend le premier terme « JI », y accole le dernier, « Shin » et déclare : « Le début et la fin constituent « Jishin » ». Jishin peut se traduire par : le corps lui-même, ou :soi-même. Il poursuit : «  Les caractères intermédiaires reçoivent et emploient. Dès lors, les stances Jiga représentent le corps qui, de lui-même, reçoit et emploie ». Le début et la fin, c’est-à-dire soi-même ou le corps lui-même, est quelque chose que l’on peut comprendre dans la mesure où notre propre corps est toujours la « fin », puisqu’on part de là à chaque instant, et le début, pour la même raison. Le terme « représentent » possède le sens de rendre présent, rendre sensible, mettre devant les yeux. Lorsqu’on lit les vers jiga, on met devant nos yeux, on rend sensible le corps du Bouddha.

Nietzsche nous dit : « La pensée n’est pas pour nous un moyen de connaître mais de nommer ». La pensée est nommée, et sert à nommer. Et Heidegger de nous confirmer : « Dire, signifie : montrer, laisser apparaître, donner à voir et à entendre ». Le dit est donc un corps qui se dresse. Il déclare encore : « C’est le mot seul qui accorde la venue en présence, c’est-à-dire l’être ». Et enfin : « En nommant, nous mandons à advenir l’étant présent ». Lorsque nous lisons le Lotus, matin et soir, nous faisons donc apparaître l’étant corps du Bouddha. Nommer fait apparaître le corps.

« Ouvrir son corps comme étant le monde des phénomènes, le monde des phénomènes étant le corps qui, de lui-même reçoit et emploie, il ne peut se faire qu’il ne soit dans les stances Jiga ». Cela signifie que, lors de l’éveil, l’intégralité phénoménale est le propre corps du Bouddha. Dès lors, il utilise librement la matière et l’esprit de l’infinité des phénomènes pour sauver les êtres de leurs souffrances. En cela, les caractères et les sons deviennent son propre corps, son propre coeur.

Zhiyi a enseigné : « Entendre la profondeur sans concevoir de craintes, entendre la vastitude sans concevoir de doutes, entendre le non-profond et le non-vaste et pourtant garder le courage en son cœur ». La profondeur et la vastitude qualifient l’enseignement de l’éveillé, que l’on garde en nous sous forme d’entendu. Dans le même temps, nous entendons le non-profond et le non-vaste des êtres des six voies en gardant le courage en notre cœur. Telle est l’action des bodhisattva. Nichikan Shonin a écrit : « La foi, étant à l’origine de la récitation du Daimoku, elle est la merveille de la Cause originelle. La récitation du Daimoku, étant la conclusion de la foi, elle est la merveille de l’Effet originel. Autrement dit, ce phénomène est la causalité de la Une pensée dont l’origine et la conclusion sont instantanées ». L’instantanéité de la Une pensée est son éternité.

Merci de votre attention.